Les actions de groupe, « class action » à la française sont de l’ordre de la chimère.
Jusqu’à présent, lorsque plusieurs consommateurs étaient victimes de mêmes agissements d’un professionnel, ils pouvaient entamer des procédures individuelles séparées, éventuellement conjointes, mais pas attaquer ensemble l’entreprise fautive.
Le coût et la lourdeur d’un procès étaient un frein aux actions individuelles.
L’action de groupe tente de rééquilibrer le rapport de force entre consommateurs et professionnels.
L’action de groupe tend à « obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement d’un ou des mêmes professionnels à leurs obligations légales ou contractuelles :
« 1° A l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services ;
« 2° Ou lorsque ces préjudices résultent de pratiques anticoncurrentielles […].
L’action de groupe ne peut porter que sur la réparation des préjudices patrimoniaux résultant des dommages matériels subis par les consommateurs. » (art. L. 423-1 du code de la consommation).
L’action de groupe en France doit être engagée par une association de consommateurs.
L’action de groupe ne peut porter que sur la réparation des préjudices patrimoniaux résultant des dommages matériels subis par les consommateurs. » (art. L. 423-1 du code de la consommation).
L’action de groupe en France doit être engagée par une association de consommateurs.
Aussi, la victime d’un manquement de la part d’un professionnel doit s’adresser à une association de consommateurs agréée (il y en a quinze : CNAFAL, CNAFC, CSF, Familles de France, Familles rurales, UNAF, Adeic, AFOC, Indecosa-CGT, ALLDC, UFC-Que choisir, CLCV, CGL, CNL, Fnaut). Il n’est pas possible d’engager une action de groupe seul ou par l’intermédiaire d’un avocat non mandaté par une association agréée.
L’association doit vérifier qu’au moins deux personnes ont subi un même manquement d’un ou des mêmes professionnels. Elle examine donc les réclamations et détermine s’il existe effectivement un préjudice dont serait victime un groupe de consommateurs. Si tel est le cas, elle peut saisir le tribunal de grande instance compétent.
Le tribunal vérifie alors si le professionnel a commis les manquements reprochés et si ces manquements ont entraîné des préjudices à l’égard de plusieurs consommateurs. Si tel est le cas, le tribunal a le pouvoir de déterminer quel est le groupe de consommateurs à indemniser et fixer la somme que le défendeur devra verser à chaque consommateur. Il peut aussi préciser les éléments permettant l’évaluation de cette somme. Le juge indique également dans quel délai l’indemnisation des consommateurs doit intervenir.
Le juge fixe en outre les mesures de publicité destinées aux consommateurs potentiellement concernés (voie de presse, courriel, affichage…), afin qu’ils se déclarent auprès du professionnel ou de l’association pour être indemnisés. Les consommateurs disposent d’un délai fixé par le juge, entre 2 et 6 mois, pour se manifester. Ces mesures de publicité ne peuvent être mises en œuvre qu’une fois que le premier jugement rendu ne peut être remis en cause par l’exercice des voies de recours.
Autant dire, vu les délais de la justice, qu’il peut se passer au moins cinq ou six ans au mieux et peut-être dix ans avant une possible mesure de publicité. C’est la raison pour laquelle l’association UFC-Que Choisir a communiqué en 2014 sur la première action de groupe engagée contre la société Foncia : si elle devait attendre dix ans avant d’informer les victimes potentielles,celles-ci auraient égaré dans ce délai les preuves des préjudices avancés.
L’association se charge ensuite d’obtenir l’indemnisation des consommateurs concernés. Dans la très grande majorité des cas, cela ne coute rien du tout au consommateur. Le fait de signaler des manquements commis par un professionnel à une association de consommateurs est gratuit et celles-ci ne sont pas autorisées à exiger une cotisation ou adhésion à leur structure pour prendre en compte la demande. Au stade de l’indemnisation, il n’y a rien à payer non plus.
C’est la raison pour laquelle le Cabinet Delespaul pense qu’en l’état, les « class actions à la française » n’ont pas l’avenir radieux que d’aucuns leur prête. Si l’on analyse les moyens financiers qui doivent être engagés par les associations agréées (notamment les frais d’avocat mais également les frais de répartition des sommes aux victimes) et que l’on voit qu’en regard il n’y a aucun moyen d’enrichissement pour l’association, il est évident qu’il n’y aura que peu d’actions engagées.
Certes, il y aura quelques actions, comme celle contre Foncia, engagées pour le principe. Et pour dire que la loi du 17 mars 2014 n’a pas été inutile. Mais cela ne sera jamais en l’état intéressant financièrement pour l’association.
D’autant plus que si le plaignant maintient sa demande alors que le professionnel la conteste, et que le juge fait droit à l’argumentation du professionnel, le plaignant risque de devoir payer les frais d’avocat avancés par l’association. Cela refroidi également le plaignant…
Le problème réside dans le montant de l’indemnisation payée par l’entreprise. La loi prévoit qu’elle ne verse à l’association que le montant correspondant aux préjudices des victimes que se sont manifestées (après publicité). Les associations récupèrent donc une somme qui doit donc être intégralement reversée à l’ensemble des victimes.
On aurait pu prévoir, indépendamment du nombre de victimes qui se manifeste, que l’association se fait payer par l’entreprise la totalité du préjudice subi par l’ensemble des victimes, quel que soit le nombre de victimes qui se manifeste. Dans un tel cas, le différentiel entre l’indemnisation globale versée par l’entreprise et l’indemnisation reversée par l’association aux victimes déclarée, est acquis à l’association. L’association a alors un intérêt financier fort à engager des actions de groupe, le « bonus » récupéré au titre d’une action servant à payer des avocats et à engranger d’autres actions.
Mais tant que l’association n’est pas intéressée financièrement à l’action, elle n’a aucun intérêt à l’engager (sauf, exceptionnellement, pour le principe). Seules les associations ayant une surface financière importante qui pourront assumer le coût des avocats engageront en pratique une action de groupe, soit deux ou trois associations agréées sur les quinze.
En revanche, se multiplient les actions conjointes dans lesquelles plusieurs demandeurs se regroupent pour solliciter réparation de leur dommage. Ainsi, l’action collective engagée contre les sociétés d’autoroute pour péage surfacturé, les actions collectives engagées contre les banques (peut-être présomptueusement) pour TEG erroné, ou l’action conseillée par Maître Maxime Delespaul regroupant les porteurs de parts d’indivisions de manuscrits vendues par la société Aristophil.
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