Les banques ont pris l’habitude de calculer les intérêts des contrats en utilisant l’année bancaire également appelée « année lombarde ». Elles supposent ainsi que l’année dure 12 mois de 30 jours, soit 360 jours au total. Mais en réalité, l’année ne dure jamais 360 jours. De nombreuses banques octroyant des crédits immobiliers calculent ainsi vos mensualités sur 360 jours au lieu des 365 jours ou 366 jours imposés par la loi.
Jusqu’à deux millions de prêt immobiliers aux particuliers sont potentiellement entachés de fraude en France. Cela s’explique par une pratique bancaire dénommée « l’année lombarde » héritée du Moyen-Âge et qui reste peu connue des emprunteurs mais très utilisée par les banques. Les calculatrices n’existant pas à l’époque, les banquiers avaient trouvé cette astuce lucrative pour calculer les intérêts d’un prêt en appliquant leur taux sur 360 jours au lieu de 365 jours. A l’heure des ordinateurs, cette pratique est toujours utilisée par certaines banques.
L’article R-313-1 du code de la consommation dispose pourtant que le taux effectif global (TEG) des crédits immobiliers doit être calculé sur la base d’une année comptant 365 jours. Cette obligation découle d’une directive européenne (98/7/CE) imposant aux banques, depuis 1998, de calculer le TEG sur la base d’une année civile.
La jurisprudence est claire en la matière et a été régulièrement réaffirmée : l’année lombarde n’est pas applicable. La cour d’appel a confirmé cette règle dans plusieurs arrêts récents et notamment par celui datant du 27 janvier 2017. Dans cet arrêt, la cour d’appel de Paris (Pôle 5 Chambre 6, RG n°15/00721) a confirmé que le calcul des intérêts sur une année de 360 jours entraine la nullité de la clause d’intérêt et l’application du taux d’intérêt légal au lieu du taux contractuel. La cour a considéré qu’en présence d’une clause indiquant « que le montant net des intérêts est calculé au jour le jour sur le solde du compte en prenant en considération une année de 360 jours », le calcul des intérêts est « nécessairement erroné ».
La cour d’appel (Pôle 4 Chambre 8, RG N° 16/17800) a une nouvelle fois sanctionné la pratique de l’année lombarde par le Crédit Lyonnais (LCL) dans un arrêt datant du 12 janvier 2017.
Même si ces dernières années la Cour de cassation a également tranché plusieurs fois en faveur des emprunteurs, cette pratique reste encore appliquée par certaines banques. La sanction est pourtant lourde puisqu’elles risquent l’annulation du taux d’intérêt négocié à l’ouverture du crédit. Ce dernier sera alors remplacé par le taux légal, c’est-à-dire le taux auquel les banques empruntent elles-mêmes l’argent à la Banque centrale européenne (BCE). Sachant que le taux d’intérêt légal est de 0,90 % pour le premier semestre 2017 et qu’il a été de 0,04 % en 2013 et 2014, la réduction des intérêts dus peut être conséquente.
Plusieurs juridictions du fonds ont une vision particulièrement stricte de l’application par la banque de l’année lombarde pour le calcul de ses intérêts. Ainsi, le tribunal de grande instance de Saint-Étienne a jugé, le 6 juillet 2017 Années bisextiles – JUGEMENT TGI SAINT-ETIENNE DU 06 JUILLET 2017, que le seul fait que la banque n’ait pas utilisé un dénominateur de 366 les années bissextiles mais un dénominateur de 365 justifie l’annulation de la stipulation d’intérêts.
Le tribunal de grande instance de Toulouse considère en effet que la stipulation d’intérêt est nulle, sans que la banque puisse se prévaloir d’un pouvoir modérateur du juge. Et la prescription court du jour où l’emprunteur a été en mesure de se rendre compte de l’erreur.
Cette erreur commise par la banque n’est pas toujours simple à déterminer. C’est pour cette raison qu’il est conseillé aux emprunteurs de se tourner vers un avocat spécialiste du contentieux bancaire. En effet, l’établissement bancaire peut prétexter qu’il a utilisé le mois normé de 30,4166 jours pour procéder à son calcul. Ainsi, les intérêts mensuels sont calculés sur la base du rapport 30,4166 / 365 jours et non sur la base de 30/ 360 jours, ce qui revient en réalité au même puisque les deux calculs correspondent à 1/12ème. Cela permet toutefois à l’établissement bancaire d’invoquer le fait qu’il utilise l’année civile pour le calcul des intérêts.
Mais la cour d’appel de Reims a jugé, par arrêt en date du 19 septembre 2017, que la banque ne pouvait utiliser le mois normalisé pour les crédits immobiliers conclus avant 2016. Si cette jurisprudence doit est confirmée, on pourrait démontrer que la totalité des tableaux d’amortissements remis par les banques sont erronés.
Cette faute commise volontairement par la banque peut jouer en faveur de l’emprunteur. Pour rappel, le délai de prescription (au-delà duquel l’infraction ne peut plus être poursuivie en justice) est de 5 ans et court à compter de la découverte du vice ou à partir de la date de signature du contrat si le document fait mention de l’année lombarde. Pour démontrer l’erreur de la banque, il conviendra donc de prouver que l’établissement a bien utilisé l’année lombarde pour le calcul des intérêts ou bien de montrer que cette pratique a été utilisée subsidiairement et que le préjudice pour l’emprunteur est important. Pour mener à bien cette démarche, il est donc fortement conseillé de faire appel à un avocat. Maître Maxime Delespaul est un avocat spécialiste du contentieux bancaire et qui intervient régulièrement sur ce type de dossier.
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